Le Maghreb et ses voisins du Sud ! Quelle relation?
Aujourd'hui, comme hier, il semblerait que les entreprises étrangères déjà bien installées au Maghreb, n'aient d'yeux que pour le Nord, alors que c'est au Sud que beaucoup de choses vont se passer dans les prochaines années!
Par contre, les autorités locales en général ont, elles, compris depuis longtemps que l'avenir était au Sud. Les entreprises occidentales ont, elle aussi compris depuis peu que c'était au Maghreb qu'il fallait installer leurs "hubs" alors que, et c'est très étonnant, les entreprises industrielles et commerciales locales ne pensent semble-t-il à exporter que vers le Nord?
Qui profite déjà de ce nouveau marché? Particulièrement et assez discrètement, c'est bien sûr le Maroc qui est déjà devenu le hub économique de l'Afrique! Celui-ci est maintenant au cœur de très nombreux échanges, entre l'Afrique et les Etats-Unis ou l'Europe, et bien sûr le monde arabe, le Machrek.
D'autre part, avec la création de Casablanca Finance City et son autorité, avec la holding royale, et la Société Nationale d'Investissement (SNI), le Maroc va certainement aussi devenir naturellement la "City" de l'Afrique! Quant à la banque Attijariwafa Bank, elle est déjà présente dans de nombreux pays, et au cœur de nombreux circuits. La banque s'affirme aussi de plus en plus dans les opérations entre la France et le Maroc. Il est à noter que l'anglais a été utilisé pour les noms de Casablanca Finance City et de Attijariwafa Bank, cela tend à démontrer que les autorités marocaines ont aussi les yeux tournés vers l'Ouest!
Enfin en quelques mots, le Maroc va être l'organisateur, en novembre 2016, de la COP22 à Marrakech. Cette "Conference of Parties" sous l'égide des Nations Unies a pour thème les changements climatiques. Il est donc assez logique qu'elle soit organisée au Maroc, pays qui a depuis longtemps une "conscience" en matière énergétique. Sous l'époque du protectorat, il s'était orienté vers la production hydraulique de l'électricité, afin de ne pas être dépendant des hydrocarbures, et il vient d'inaugurer sa première grande centrale solaire...
Pourquoi le Maghreb doit mieux s'intéresser au pays du Sud?
Si on se fie aux études de l'ONU, l'Afrique, la voisine du Sud, va passer de un milliard d'habitants aujourd'hui à environ 2,40 milliards, c'est-à-dire 1,4 milliard d'habitants de plus dans les 20/30 prochaines années, soit environ 46 millions de plus par an!
Cela car beaucoup de pays africains n'ont pas encore entamé leur transition démographique et refusent toujours le planning familial. Ils affichent ainsi parfois un taux de fécondité supérieur à 7 enfants par femme. Il faut aussi ne pas oublier qu'il faut plus de trente ans pour inverser une courbe de fécondité (le Niger, 3 millions en 1960, 20 millions aujourd'hui, soit multiplié par 7 en 55 ans).
Il faut savoir aussi que les pays africains les mieux gérés consacrent malgré tout déjà 40% de leurs budgets à l'éducation nationale (contre 23% en France par exemple). Enfin, économiquement, malgré une croissance intéressante depuis quelques années, l'Afrique est toujours aujourd'hui essentiellement dépendante des exportations de ses matières premières, la part de l'industrie dans le produit intérieur brut stagne depuis 40 ans, l'Afrique va donc avoir besoin d'investissements colossaux et de cadres, et va devenir un continent très importateur dans les années qui viennent.
Que pourrait-il donc se passer chez les voisins du Sud?
Il est assez vraisemblable que l'on assistera à l'émergence de la création d'une zone d'influence, arabo-"ottomane", avec la Turquie et son histoire, Turquie terre d'accueil (les Russes blancs en 1917, les Juifs d'Europe de l'est dans les années 40, les Iraniens en 1980, les réfugiés des Balkans en 1990, et les Syriens aujourd'hui!).
Ce que l'on a tous trop vite oublié, c'est que dans la mémoire de chaque Turc subsiste la puissance de l'empire Ottoman, qui se conjugue aujourd'hui à une puissance militaire, industrielle, agricole et commerciale, et surtout à un positionnement sunnite très proche de l'Arabie Saoudite, et de certains émirats et du Qatar.
Zone arabo-"ottomane" avec les pays producteurs de pétrole qui, eux, ont intégré le fait qu'ils ne bénéficieraient plus du "parapluie" américain et que le carburant de leur puissance perdait de sa valeur. La Turquie a quant à elle intégré le fait qu'elle n'intégrerait certainement jamais l'Europe, et elle a pris conscience de sa puissance industrielle et militaire.
La conjonction d'intérêts de ces pays sunnites va certainement les amener à considérer que le seul échappatoire possible, c'est la création commune d'une zone d'influence, ajoutant l'Afrique à l'Asie centrale, les pays en "-stan" (la Turquie a déjà réussi à renforcer très fortement son influence dans la plupart des pays de cette zone, Turkménistan, Kazakhstan, etc.).
Enfin, ce groupement d'intérêts économiques sunnites en développement est déjà présent dans de nombreux pays en Afrique, face aux millions de Chinois. Quelques chiffres sur les fonds dont ils disposent: Fonds souverain d'Arabie Saoudite: 700 milliards de dollars: Fonds souverain du Qatar: 260 milliards de dollars.
Il est aussi quasiment certain et logique qu'une partie des fonds souverains d'Arabie saoudite et du Qatar vont se relocaliser vers l'Afrique prochainement.
Conclusion: un battement d'aile de papillon à Istanbul ou Djeddah générera bientôt un engrenage subtil d'infimes causes qui entraîneront demain d'incroyables conséquences économiques pour les pays du Maghreb. Une nouvelle concurrence va donc émerger, soyez prêts! Et souvenez-vous, les pays n'ont pas d'amis ou d'alliés, ils n'ont que des intérêts!
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